Didier Faustino
The Wild Things
Galerie Michel Rein

25/05/2011
> Galerie Michel Rein


Photographies / Communiqué de presse

« Faire de l'architecture avec du sang, du poil, de la sueur et du sperme »


C'est par cette déclaration, si ce n'est provocante, en tout cas inhabituelle, que Didier Faustino signait son entrée dans le milieu professionnel de l'architecture. Et pour son diplôme ; point de maquette, ni même de projet de bâtiment mais un bodybuilder en train de soulever de la fonte, histoire de bien faire comprendre au jury la puissance de l'enveloppe charnelle humaine en tant que facteur déterminant de notre environnement. Cette même image fera ensuite la une d'Art Press (1999) et entérinera son « adoption » par la sphère de l'art contemporain. La porte du mélange des genres était alors ouverte sans pour autant que Faustino ne se dépare de son rôle d'architecte.

Cette mise en exergue du corps l'entraîne alors sur la voie de l'intime, des tabous, du rapport à l'autre qui, dans le contexte des années 90, trouve un écho chez certains activistes du droit à l'égalité. Sans pour autant chercher le militantisme, Faustino se voit accompagner des causes et choisit alors, sans compromis, l'outil le mieux adapté au cahier des charges, se saisissant de la performance, de la vidéo, de l'objet ou de la construction pour édifier ce qui reste à ses yeux un discours d'architecture.

Lui qui cite volontiers Vito Acconci et James Wines comme témoins de ces allers-retours incessants entre pratiques créatives pour souligner que les créateurs peuvent échapper au principe de classification prédéfinie. Sa production s'affirme alors à travers une multiplicité de formes, souvent radicales, qui entretiennent le quiproquo chez l'observateur tandis que pour lui, les motivations restent celle d'un architecte en quête de narration et de fiction.

Body in transit en 2000, soit un flight-case « designé » pour accueillir un passager clandestin ou bien encore la One Square Meter House , une tour de 17m de haut mais qui n'occupe qu'un m2 au sol, nous renvoie directement à cette réflexion sur la problématique du corps dans la production d'un espace. Elles posent surtout la question suivante : jusqu'où les exigences croissantes de la société contemporaine iront-t-elles dans ce mouvement de contrainte du corps.

Et finalement, c'est souvent en dehors du petit monde de l'architecture que l'intention fait le plus vite mouche : des commanditaires privés pour ne pas dire des particuliers, le sollicitent pour imaginer des dispositifs à même de satisfaire leurs désirs hors norme. Ceux qu'une architecture trop standardisée ne peut combler à moins que ce ne soit les modalités de la réalité qui les contraignent. De la même manière, la sphère de l'art trouve chez Faustino un imaginaire qui pousse à bout les concepts, au point de ne plus faire de distinction entre une sculpture habitable et un habitat sculpté. Ainsi de ce projet d'appartement à Beijing Home Palace (2004) où le mobilier est remplacé par des lanières tombant du plafond, ou de ces alcôves à confidences (Zentral Nerven System , 2005-06) suspendues en tension par un jeu de sangles et installées chez des collectionneurs d'art contemporain.

Pour sa première exposition à la galerie Michel Rein, Didier Faustino fait largement émerger le caractère fictionnel de son discours. Fasciné par la littérature d'anticipation, celle de Philip K. Dick notamment, il y puise des artefacts qui l'aident à tirer l'architecture encore plus près du dispositif narratif.

Au centre de la galerie, l'installation Instrument for blank architecture se compose de trois trépieds de géomètres qui portent chacun un casque, sorte d'isoloir dans lequel le public est invité à venir plonger son visage. Point d'images mais une bande sonore qui délivre en boucle l'interminable ritournelle : « Don't trust architects ». Une remise en cause du statut même du créateur qui transforme les visiteurs en acteurs malgré eux d'une performance improbable générée par cet objet intrigant.

Et si une fiction en nourrissait une autre : Didier Faustino a collaboré avec l'écrivaine Virginie Despentes dans la mise en ouvre de son prochain long-métrage inspiré du roman Bye Bye Blondie.

L'histoire raconte les retrouvailles de deux femmes, amies à l'adolescence, qui se retrouvent et deviennent amantes des années plus tard. L'une décide de se créer un refuge dans l'espace même de l'appartement de l'autre. La microarchitecture devient alors le lieu d'échange des deux femmes. En accord avec la réalisatrice, Faustino a conçu ce « module » en se servant de plaques offset mises au rebut. Il livre ici les modalités du processus d'élaboration à travers l'ouvre Scramble Suit.

Autre histoire : celle conçue lors d'une invitation à un colloque organisé dans l'incroyable friche contemporaine qui abritait, il y a encore peu, à Tbilissi le ministère des autoroutes. Didier Faustino propose de recomposer son projet Exploring Dead Buildings, créé de toutes pièces sur place, et qui consistait à partir dans l'exploration de l'architecture : un véhicule sommaire, une vidéo. témoins d'une action éphémère.

Sur un socle, l'ouvre Hidden Pavillion renvoie clairement le spectateur au vocabulaire traditionnel de l'architecture. À moins que ce ne soit celui de la statuaire. Une maquette qui n'en est pas une, sculptée dans un bloc de marbre, rassemble trois modèles architectoniques fondateurs.

Enfin, The wild thing, trous de ver modélisés en feuillard de châtaigniers et flottant dans le volume de la galerie s'inscrivent dans la suite d'un projet initié au CCA de Kitakuyshu au Japon avec des artisans experts du bambou. Autre lieu, autre technique, autre culture. De l'absurdité de fabriquer une reproduction mathématique à l'aide de produits naturels si ce n'est pour mieux jouer du trium viral cher à Faustino : art, artisanat, architecture.




It is with this declaration, if not provocative, then certainly unusual, that Didier Faustino signaled his entry into the professional sphere of architecture. For his final degree presentation there was no question of him presenting a model, or a project for a building. He presented a bodybuilder lifting cast iron, showing the jury the power of the mortal coil as a dominating factor in the space which surrounds us.

This same image was used for the front cover of Art Press (1999) and hailed Faustino's "adoption" by the contemporary art world. By putting an emphasis on the body in all its intimacy, in the 90s Faustino's work found itself echoed by certain equal rights activists. Without searching to be a militant, Faustino found himself carried along by these causes and used performance, video, design and construction to edify, what remained for him, a question of architecture.

He voluntarily sites Vito Acconci and James Wines as insertions for this bouncing between creative practices, to underline that those that create can escape being definitively pigeonholed. His work testifies this. Using a multiplicity of forms, often radical, he develops an exchange with the observer whilst his motives remain those of an architect, looking for narration and fiction.

Both Body in Transit , a flight-case to smuggle a person, and One Square Meter House , a 17m tower with only one m2 of floor space, directly show us the artist's preoccupation with the body when producing space. They also make us question how far the growing demands in society will go to constrain the body.

In the end it is often outside of the small world of architecture that his intentions succeed: private backers, approach him to imagine installation for them and to realise their unusual dreams. A more standardised architect could not satisfy these desires unless they were based in reality. In this same way, the art world has found in Faustino an imagination which pushes concepts to such a limit that we can no longer make the distinction between an habitable sculpture or a sculptured habitat.

This is also to be seen in his apartment project in Beijing, Home Palace (2004) where the furniture was replaces by a system of straps hanging from the ceiling and in his confiding alcoves (Zentral Nerven System , 2005-06) suspended by straps and installed into the spaces of contemporary art collectors.

For his first exhibition at the Galerie Michel Rein, Didier Faustino plays greatly with the fictional aspect of his work. Fascinated by science fiction literature, notably the work of Philip K. Dick, he draws heavily on the artifacts that allow him to link architecture more and more into the fictional narrative.

At the centre of the gallery, the installation Instrument for blank architecture made up of a land surveyor's tripod holds three helmets, mini isolation booths into which the public are invited to plunge their faces. They are not faced with any images but a sound track repeating the line "Don't Trust Architects". The makes us reconsider even his status as creator, as he changes his visitors into actors, and creates an unusual performance triggered by these intriguing objects.

One fiction feeding another: Didier Faustino collaborated with the writer Virginie Despentes in the production of her new feature film inspired by the novel Bye Bye Blondie. Two women, old teenage friends, find each other in later life and become lovers. One decides to create a refuge in the apartment of the other. Working with the director, Faustino created this "module" using discarded sheet metal. In this exhibition he charts the creative process of Scramble Suit.

Another story: this one developed following an invitation to a conference organized in an incredible contemporary wasteland in Tbilisi, which, until recently, held the motorway ministry. Didier Faustino created the project Exploring Dead Buildings on site which allowed people to explore the architecture: a rough vehicle, a video. witnesses of a short-lived action.

On a stand, the artwork Hidden Pavillion sends the visitor straight back to the traditional vocabulary of architecture. A model which isn't a model, sculpted from a bloc of marble, gathers together three founding architectural motifs.

Finally, The Wild Thing, wormholes made from stripped branches of chestnut trees, floating in the gallery space, follow on from a project started in Japan with professional bamboo craftsmen. Another place, another technique, another culture. From this absurdity of creating a mathematical reproduction with the aid of natural produces we clearly see the trinity of Faustino's work: art, craftsmanship and architecture.

Olivier Reneau
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